1912. La chaleur iodée d’une fin d’après-midi.
Le rire des enfants répond aux cris des mouettes moqueuses. Un vent côtier se lève et fait frémir les arbres qui borde
le terrain vague.
La partie de croquet est presque terminée. Roger est déjà bien saoul et amuse la galerie en racontant des anecdotes que seul un dentiste, travaillant comme vétérinaire le week-end, peut connaître.
Alaitz lance des œillades amoureuses à Patxi. Le jeune homme sera son cavalier au prochain bal. Il fait mine de l’ignorer mais ne peut s’empêcher de se laisser happer, toujours discrètement, par le regard ardent de la jeune femme. Son ventre gargouille étrangement, surement l’émotion.
“Eneko, c’est ton tour de jouer du maillet !” jette Roger en finissant sa part de quiche qu’il a superposée avec le dessert. Il se rince ensuite la bouche d’une rasade de vin d’épine. Quelque chose lui reste sur l’estomac. Il rote et envoie “Je vous ai raconté la fois où qu’on a soigné l’épidémie de rage de dents qu’elles avaient les poules de Mme Lecoq?”.
Eneko n’écoute plus. Il va bientot jouer son coup, mais pour l’instant il a le regard fixé sur le ciel. Un mur de nuages menaçant monte de l’océan. la lumière change. “Orage cette nuit…la mer sera grosse demain…”. Il réfléchit à la manière d’équiper le bateau pour la pêche du lendemain. Il se met en place près de sa boule. Un coup facile à jouer.
Il peut passer une porte et peut être toucher la boule d’un adversaire dans la foulée. Il se positionne et se concentre.
Soudain, un violent haut le cœur le plie en deux.
Il lâche son maillet et se tient l’estomac. Sa vue se brouille.
Une horrible douleur lui transperce les entrailles. A peine le temps de tourner la tête que son déjeuner surgit de ses lèvres et s’étale en galette sur l’herbe de la prairie.
“Eneko ? Ca va pti ?” Roger s’approche. “Moi aussi pti, j’ai un peu mal à…”. Roger ne finit pas sa phrase et tombe
d’un bloc.
Mort.